Le 10 novembre dernier, une foule de 30 000 personnes en colère contre la hausse des frais de scolarité a serpenté les rues de Montréal jusqu’aux bureaux de Jean Charest. Pour l’occasion, plus de 200 000 étudiants et étudiantes étaient en grève – un seuil historique pour une grève d’une seule journée.
Depuis plusieurs mois, les campus battaient au rythme de la mobilisation étudiante. Des assemblées de grève avaient lieu chaque semaine, apportant avec elles leur lot de débats, souvent enflammés. Le 10 novembre nous a donné un résultat concluant ; un mouvement s’est mis en branle. Jeudi matin, plus de la moitié de la communauté étudiante postsecondaire était en grève.
Certains campus traditionnellement peu mobilisés ont fait le choix de se joindre au mouvement. On peut penser à l’association de médecine de l’Université de Montréal ainsi qu’à l’association de gestion de l’UQÀM. Autre exemple impressionnant : l’École du meuble et de l’ébénisterie – qui ne délivre aucun diplôme préuniversitaire – était en grève. Le collège privé André-Grasset a même voté une demi-journée de grève pour participer à la manifestation.
Maintenant, la poussière retombe, pour un temps seulement, et il faut faire le point. On se rapporte et on lit, avec amusement parfois, les réactions des média et les entrevues. Finalement, on se rend compte qu’au sujet de la manifestation elle-même, il n’y a pas grand chose à dire. Nous étions 200 000 en grève, 30 000 dans les rues et le gouvernement n’a pas reculé. Nous avons crié fort, nous avons brandi nos pancartes et le gouvernement nous a répondu avec le même discours comptable.
Nous nous doutions bien que le gouvernement ne reculerait pas en une journée. La grève ne visait pas qu’à lui envoyer un ultimatum. Elle rappelle aussi à la population qu’il existe encore des gens qui luttent pour une justice sociale.
Le gouvernement Charest est isolé
Mercredi le 9 novembre dernier, le gouvernement Charest recevait sans surprise l’appui des organisations patronales et des chambres de commerce du Québec qui l’exhortaient à maintenir sa décision de hausser les frais. Parmi ceux et celles qui s’opposent à cette mesure, on retrouve l’intégralité du milieu communautaire et syndical québécois, soit plus de 130 organisations, comprenant notamment la Fédération des femmes du Québec (FFQ), la Ligue des droits et libertés, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ). Ces récentes prises de position nous indiquent clairement pour qui travaille réellement le gouvernement.
En réaction à la mobilisation, la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Line Beauchamp, s’est contentée de déclarer qu’« ils ont beau prendre la rue et manifester leur colère, les étudiants québécois devront se résoudre à débourser la juste part du coût de leur scolarité ». Bref, le gouvernement reste inflexible, malgré la démonstration de force de la part des étudiants et étudiantes.
Si le gouvernement ne s’émeut pas, il se sait pourtant isolé. Ce n’est pas par hasard qu’il annonçait, le lendemain, la mise en ligne d’un nouveau site internet. Sur ce site – ayant coûté pas moins de 50 000$ aux contribuables – on apprend notamment « pourquoi la hausse est nécessaire ». La vérité, c’est que la hausse est un choix politique et, le 10 novembre, nous étions 30 000 pour le crier haut et fort.
Où allons-nous ?
Le 10 novembre était à la fois le point culminant d’un automne de mobilisation et le point de départ d’une lutte qu’il nous faudra bâtir pour préserver notre réseau public d’éducation. C’est l’hiver prochain que tout se jouera, lorsque les associations étudiantes du Québec se prononceront sur la tenue d’une grève générale illimitée.
Le mouvement est en train de prendre de la vitesse : plus le temps passe, plus nous prenons conscience que notre force de mobilisation peut nous permettre de faire bouger les choses. Cette manifestation était le dernier ultimatum lancé au gouvernement. Maintenant, soit nous en restons là et nous subissons passivement la hausse des frais de scolarité, soit nous engageons sérieusement un bras de fer avec le gouvernement et nous nous mobilisons vers la grève générale illimitée.