Depuis l’annonce de la hausse des frais, on parle beaucoup de cette attaque à l’accessibilité aux études et de ses conséquences sur la population étudiante universitaire. Plusieurs étudiants et étudiantes du collégial ne se sentent pas interpellé-e-s par cet enjeu, ne voyant pas trop quelles sont les conséquences sur leur vie. Pourtant, la communauté étudiante collégiale aura un rôle primordial à jouer l’an prochain pour contrer la hausse. Même si elle semble très lointaine, elle aura des conséquences réelles sur bien des étudiants et étudiantes actuellement au cégep et sur l’ensemble de la société.
Affirmer que la lutte contre la hausse des frais ne concerne pas la population étudiante collégiale, c’est jouer à l’autruche. Selon la Fédération des Cégeps, près de la moitié des étudiantes et étudiants du cégep est inscrite dans un programme préuniversitaire et se dirige donc probablement vers des études universitaires. D’ailleurs, en 2001, 79% des diplômé-e-s d’un programme préuniversitaire poursuivait sans interruption leurs études au niveau universitaire. Quant à ceux et celles de la formation technique, 22% choisissait tout de même de s’inscrire à l’université immédiatement après avoir complété leurs études collégiales. D’autres étudiants et étudiantes de la formation technique choisiront eux et elles aussi, après avoir passé quelques années sur le marché du travail, d’approfondir leurs études à l’université.
Une situation économique déjà difficile
Ces conséquences risquent d’ailleurs d’être assez élevées, si on s’attarde à la situation financière des cégepiennes et cégepiens. Effectivement, beaucoup d’entre eux et elles commencent déjà à s’endetter, ayant des dépenses importantes à payer (loyer, nourriture, transport, etc.) et des revenus peu élevés. Ainsi, la dette moyenne d’un ou d’une bénéficiaire de l’Aide financière aux études au collégial s’élevait à 8 519 $ en 2007-2008, soit un peu plus de 887 heures de travail au salaire minimum actuel (9,60 $/h). Près de 9000 $ avant même d’avoir commencé les études universitaires, qui risquent de faire monter leur dette en flèche.
S’opposer à la hausse des frais, c’est aussi une question de solidarité sociale, de vision de l’éducation. Trop souvent, on balaie ces questions du revers de la main en prétendant qu’une augmentation des frais est inévitable, mais cette affirmation nous empêche de faire le débat qui devrait avoir lieu. Les frais à l’université ont justement été gelés pour donner la chance à plus de gens d’accéder aux études, pour ne plus réserver les études supérieures aux plus riches. Se battre pour l’éducation universitaire, ce n’est pas se battre uniquement pour les universitaires : c’est lutter pour une éducation pour tous et toutes, pour une société plus juste et contre la marchandisation de l’éducation.
Un prochain assaut contre le droit à l’éducation?
C’est aussi dans cette optique que les cégeps ont été créés en 1967, afin de démocratiser toujours un peu plus l’éducation au Québec. La hausse universitaire peut sembler lointaine pour plusieurs, mais c’est une vision globale de l’éducation qui est attaquée et qu’il nous faut défendre. Et se défendre contre cette attaque, c’est en même temps en prévenir une future : la mise sur pied de frais de scolarité au cégep. Déjà depuis quelques années, plusieurs frais afférents sont exigés dans les cégeps pour l’inscription ou certains services. La menace des frais de scolarité n’est pas une simple chimère, le Parti libéral du Québec ayant déjà voté en 2009 une résolution allant dans ce sens. Cette position avait alors suscité bien des réactions défavorables, mais après une hausse des frais à l’université, le gouvernement se sentira peut-être plus en confiance pour aller de l’avant avec ce projet.
La hausse a des impacts sur les étudiants et étudiantes au collégial, en ce moment peut-être de façon plus indirecte, mais à long terme d’une manière bien concrète. Cependant, ce n’est pas dans deux ou trois ans qu’il faudra réagir, c’est maintenant ou jamais.