Le 17 mars dernier, le ministre des Finances Raymond Bachand croyait avoir deux bonnes nouvelles à annoncer à la communauté étudiante du Québec : il allait augmenter les frais de scolarité d’un côté et bonifier l’Aide financière aux études (AFE) de l’autre. Pourtant, il semble que la seule nouvelle que nous ayons réellement reçue, c’est que le gouvernement allait sabrer dans l’accessibilité aux études, une fois de plus.
L’accessibilité aux études postsecondaires ne se limite pas à la possibilité de s’inscrire à une institution et d’en payer les frais de scolarité. Elle fait également référence à la facilité avec laquelle l’étudiant ou l’étudiante peut assurer sa subsistance tout en se consacrant pleinement à ses études. Avec un système d’aide financière restrictif (qui n’est pas accessible à tout le monde) et supplétif (qui ne fait que compléter la contribution de l’étudiante ou l’étudiante, de ses parents, de son conjoint ou sa conjointe), le Québec est loin d’assurer une réelle accessibilité aux études.
État des lieux de l’accessibilité : constats navrants
La situation actuelle laisse déjà à désirer. Le taux de participation aux études universitaires augmente de manière considérable pour les étudiants et étudiantes provenant d’un milieu familial ayant un statut socioéconomique supérieur ou moyen. Pendant ce temps, le taux pour ceux et celles de statut inférieur est en quasi-stagnation.
Autre fait alarmant, les recherches menées par la Fondation Canadienne des bourses d’études du millénaire indiquent que « les étudiants inscrits à temps plein dans une université ou un collège travaillent plus que jamais ». Malheureusement, on constate que « les effets des variables liées au travail sont tous négatifs. Il semble donc que le simple fait de travailler et le fait de travailler beaucoup ont tous deux un effet négatif sur la persévérance. »
La ministre tente de nous appâter
La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, croit pourtant que sa bonification de 118 millions de dollars dans l’AFE servira à faire passer la pilule. Malheureusement pour elle, nous savons compter, nous aussi.
85,8 millions de dollars serviront à augmenter les bourses de ceux et celles qui reçoivent déjà les prêts maximaux; leur situation d’endettement restera donc inchangée. 3,7 millions seront accordés pour augmenter les prêts de ceux et celles qui ne reçoivent pas de bourses; ils et elles verront leurs dettes d’études s’alourdir. Finalement, comme seule réelle amélioration, 26,6 millions serviront à rehausser le seuil de contribution des parents (35 000 $ par famille ou 30 000 $ par famille monoparentale), du conjoint ou de la conjointe (28 000 $), c’est-à-dire le salaire au-dessus duquel ils ou elles peuvent être considéré-e-s comme source d’aide financière. Cependant, en 2004, le Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études recommandait déjà la hausse du seuil de contribution parentale à 45 000 $ pour un couple. Il y a donc encore du rattrapage à faire !
Une bonification bien insuffisante
Malgré ces bonifications au système de l’AFE, il reste difficile d’y avoir accès. Les périodes d’admissibilité sont contraignantes. La durée normale des études, telle que calculée, ne représente pas la réalité de plusieurs étudiants et étudiantes qui doivent travailler en même temps que leurs études et ne peuvent donc finir dans les délais prescrits. La prise en compte du revenu parental, même si le seuil en a été haussé, n’est pas souvent justifiée. Actuellement, parmi les étudiants et étudiantes qui ne bénéficient pas de l’AFE, 24,4 % ne reçoivent aucune aide financière de leurs parents. Finalement, l’aide accordée aux étudiants et étudiantes à temps partiel, c’est-à-dire pour ceux et celles qui doivent travailler pendant l’année scolaire, est insuffisante et les garde dans le besoin.
De façon globale, le problème est que l’endettement est à la base du régime de l’AFE. Ce mode de fonctionnement est aberrant, puisqu’il va à l’encontre de la mission première du système d’AFE, soit de favoriser l’accès au système d’éducation postsecondaire. L’endettement étudiant a pour effets la diminution de la persévérance dans son projet d’étude, la stimulation au travail salarié et la reproduction des inégalités sociales. Il transforme un droit en un privilège pour certains et certaines et en un sacrifice pour d’autres. C’est également la question de l’endettement qui encourage les étudiants et étudiantes provenant de familles moins aisées à se diriger vers des formations plus courtes. Ceci les amène à avoir accès à des emplois généralement moins bien rémunérés, et à constituer une famille se situant dans les quartiles de revenu inférieur. Et c’est ainsi qu’une certaine classe de la population est maintenue dans sa condition.