Une hausse nécessaire?

À en croire les représentants et représentantes du gouvernement et nos médias, il semble que l’heure n’est plus à la discussion : la situation économique du Québec ne nous laisse aucun choix; la hausse des frais de scolarité est inévitable. Pourtant, face aux réponses toutes faites que l’on nous martèle, il importe de poser quelques bémols à ce qui nous est présenté comme des faits indiscutables.

« Le ministre des Finances pouvait-il faire autrement ? » – Sophie Cousineau, La Presse

Dans une note socio-économique datant de mars 2008, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) affirme que « de 1997 à 2006, le produit intérieur brut (PIB) du Québec est passé de 175 milliards de dollars à 263,8 milliards, soit une hausse de 50,8 %. Cette période de prospérité économique est confirmée par l’évolution des bénéfices nets avant impôts des entreprises québécoises qui,de 2001 à 2007, ont augmenté de plus de 50 % ». Et, de fait, si l’on suit les données du Tableau statistique canadien publié par Statistique Canada, on observe que depuis 1995, le taux de variation annuel du PIB réel du Québec a constamment été supérieur à 1%, exception faite de l’année 2009, qui affiche un taux de -0,3%, ce qui constitue tout de même l’un des taux les plus élevés parmi les provinces canadiennes. Or, si la richesse produite au Québec est en croissance constante depuis la fin des années 90, on peut légitimement se demander par quel procédé elle se traduit par des finances publiques aussi précaires.

En ce sens, dans L’autre déséquilibre fiscal, publié en mars 2006, la Chaire d’études socio-économiques de l’UQAM démontrait qu’alors que les profits des entreprises québécoises sont en croissance constante depuis les années 1960, la proportion de leur contribution fiscale ne cesse de diminuer. Ainsi, les profits avant impôts des entreprises québécoises (en dollars constants de 2003) sont passés de 11,8 milliards en 1983 à 24 milliards en 2003. Pourtant, la part des impôts et taxes sur le capital payés par les compagnies en pourcentage du PIB est passée de 6,8% en 1964 à 1,5% en 2004, ce qui correspondait, en 2006, à une différence de 13 milliards de dollars annuellement dans le budget du Québec.

Enfin, l’IRIS a également démontré que, depuis 2000, l’État québécois s’est progressivement privé de 9,8 milliards de dollars annuellement par l’octroi de baisses d’impôts et de déductions fiscales qui ont principalement bénéficié à la frange la plus aisée de la population. En d’autres termes, si les finances publiques du Québec sont si précaires, ce n’est donc pas parce que la richesse produite est insuffisante, mais parce que l’État s’est privé et se prive toujours volontairement des ressources supplémentaires auxquelles il pourrait avoir accès, au profit des entreprises et des plus fortuné-e-s.