La gratuité scolaire, est-ce possible?

Alors que les étudiants et étudiantes du Québec se mobilisent afin de contrer l’augmentation drastique des frais de scolarité annoncée par le gouvernement Charest, il importe de continuer la discussion sur la gratuité scolaire. Ce projet souvent attaqué et qualifié d’utopiste est en vérité tout à fait réaliste et même relativement facile à appliquer, supposant bien entendu un changement important de nos choix de société.

Magasiner son éducation

L’éducation est la base d’une société; elle permet la transmission de différents savoirs, du patrimoine culturel et, surtout, elle favorise la formation d’une pensée critique.

De plus en plus, ce droit fondamental devient une marchandise que les élèves peuvent acquérir selon leurs moyens et les revenus deviennent un élément majeur décidant du champ d’études ou de leur prolongement. Ceux et celles qui en ont les moyens ont l’embarras du choix tandis que les autres se voient forcés de rayer des options, poussé-e-s à entrer le plus rapidement possible sur le marché du travail. Pour qui choisit une longue formation universitaire, on fait miroiter l’image d’un diplôme prestigieux à la fin; or, souvent, ce diplôme ne garantit pas du tout l’obtention d’un emploi, surtout pas d’un emploi qui serait assez bien rémunéré pour rembourser les dettes phénoménales accumulées au cours des nombreuses années d’études.

La gratuité scolaire : un projet réaliste

La gratuité scolaire est une prise en charge totale des coûts de l’éducation par l’État. Cette politique suppose donc un réinvestissement important en éducation de la part de l’État en question qui utilise souvent les augmentations de frais dans le but de réduire sa propre participation, comme c’est arrivé entre 1988 et 2002 : alors que la part du financement venant des étudiantes et des étudiants est passée de 5,4 % à 9,5 %, celle de l’État a diminué de 87 % à 71 %. Présentement, la gratuité scolaire à tous les niveaux au Québec coûterait environ 700 millions de dollars, somme qu’il est possible d’aller chercher en effectuant certains choix somme toute assez simples : en cessant d’accorder des baisses d’impôt aux riches de 950 millions comme c’est arrivé en 2007 ou encore en utilisant le budget alloué aux universités pour assurer la qualité de l’enseignement au lieu de le faire disparaître dans des fonds de recherche profitant souvent à des firmes privées, pour ensuite crier au sous-financement. Non seulement ce projet de gratuité est économiquement possible, mais il est aussi socialement équitable, permettant un accès à une éducation de qualité à tous et toutes, indépendamment du milieu de vie et du revenu.

Un choix de société

Ce serait effectivement utopiste de penser que l’instauration de cette politique se fera du jour au lendemain. L’impressionnante fermeture d’esprit du gouvernement actuel y est pour quelque chose, mais la gratuité scolaire est d’abord un choix à faire ensemble qui définira notre société. Désire-t-on réellement que le Québec de demain ressemble à un monde où règne la logique du chacun pour soi, où courent dans tous les sens des employé‑e‑s, mille-pattes en robe de bal ne désirant que se désolidariser de la société pour faire fortune dans un monde où absolument tout est monnayable ?

La lutte actuellement en cours contre la hausse des frais n’est qu’un premier pas vers la gratuité scolaire, qui n’est elle-même qu’un pas vers une société plus égalitaire, solidaire et juste. C’est en réfléchissant que nous imaginons une société meilleure, c’est en combattant que nous l’obtenons.