Textes de refléxion

 

Pour entamer la réflexion…

Nous vous suggérons ici trois petits textes qui vous donneront un avant-goût des sujets traités lors de la première conférence.

 

À propos du  néolibéralisme

Le néolibéralisme est compris comme un processus de restructuration du capitalisme mondialisé basé sur des ajustements institutionnels et politiques à l’échelle locale, nationale et internationale. Cela se traduit surtout dans des mesures et programmes d’ouverture des économies nationales aux flux libres de capital. Le discours de la compétitivité prend le dessus afin de pouvoir  légitimer auprès des peuples la précarité de leurs vies au profit de l’investissement  et d’une dite croissance de l’économie, du progrès et du bien-être de la société dans son ensemble.

Dans ce contexte, les populations du monde doivent subir l’augmentation des heures de travail, la réduction  des salaires, l’augmentation des frais de scolarité dans une perspective de privatisation de l’éducation,  l’élimination des formes d’association de travailleuses et travailleurs comme les syndicats, le processus de privatisation des services et espaces publics, la suppression des avantages sociaux, la délocalisation d’usines, la déréglementation des marchés du travail entre autres, etc.

Dans les pays assujettis aux grandes puissances, les institutions financières internationales dominées par les États-Unis comme la Banque mondiale et Fonds monétaire international ont toujours supervisé la restructuration brutale des économies néolibérales. Ce processus a ouvert la voie à une plus grande pénétration du capital impérialiste et a particulièrement sapé l’agriculture locale dans de grandes parties du tiers monde et accéléré un processus sans précédent de l’étalement urbain.

Endettement des ménages : qui en profite?

Le portefeuille des familles canadiennes aura connu de bien meilleurs jours et l’avenir financier qui se dresse devant ces dernières est bien sombre. En effet, le taux d’endettement des ménages canadiens se chiffre maintenant à 153% des revenus disponibles, selon Statistique Canada.[1]

Bien entendu, les Canadien-ne-s ne sont pas tous et toutes affecté-e-s de la même manière par l’endettement. Ces trente dernières années, le fossé séparant les riches des pauvres s’est considérablement creusé. Plus frappant encore, entre 1980 et 2005, les 20% des travailleurs et des travailleuses à temps plein les plus grassement rémunéré-e-s ont connu une augmentation de 16,4% de leurs gains, alors que les 20% des salarié-e-s les moins bien payé-e-s ont vu leurs gains diminuer de 20,6%.[2] Comble de l’injustice, aux revenus nettement insatisfaisants des plus pauvres s’ajoutent leur nombre d’heures travaillées en constante hausse depuis quelques années! Dans un tel contexte, on ne s’étonne pas que ceux-ci  et celles-ci recourent davantage au crédit. Quand on sait que les plus démuni-e-s dépensent 66% de leurs revenus pour subvenir à leurs besoins de base (logement, alimentation, transport et soins de santé)[3], on ne peut invoquer la surconsommation ou la mauvaise gestion financière pour expliquer leur surendettement. Les causes de celui-ci sont clairement structurelles, systémiques. Cela dit, nous avons beaucoup insisté sur la situation économique de la classe la moins bien lotie de la société. La classe moyenne n’est toutefois pas à l’abri du fléau du surendettement. Le filet social lui évitant de sombrer davantage dans l’enfer des dettes cède peu à peu sous les coups que lui porte le néolibéralisme…

Le néolibéralisme, parlons-en un peu plus (encore). L’explosion du niveau d’endettement des ménages est directement liée à la mise en œuvre par les gouvernements du monde entier de mesures lui étant propre. En gros, le rôle de l’État néolibéral se résume à gérer les fonds publics efficacement, sans essuyer de pertes, dans le but de stimuler la croissance de l’entreprise privée et donc d’assurer la compétitivité du pays à l’échelle internationale. Dans un monde où la rentabilité, la productivité et la compétitivité sont valorisées par-dessus tout, le concept de responsabilité collective à l’égard de certains services (santé, éducation, etc.) en prend un coup. Conséquemment, les gouvernements procèdent à la tarification de ces services, ceux-ci n’étant désormais compris qu’en termes d’avantages qu’ils rapportent aux individus et non à la société dans son ensemble. Ce transfert du financement des services de la collectivité (impôt progressif) vers les particuliers et les particulières frappe de plein fouet la santé financière des ménages, poussés à l’endettement et limités dans leur accès à ces services.

Mais à qui profite ce système? Plusieurs acteurs tirent parti de l’endettement grandissant des salarié-e-s. Alors que les dettes des gouvernements en proportion de leur PIB tendent clairement à diminuer depuis le début des années 1990[4], les États, avec leur obsession du déficit 0, vont tout de même de l’avant avec des mesures régressives qui font de plus en plus porter sur le dos des familles le fardeau du financement des services publics. Quant aux entreprises, elles bénéficient d’un environnement fiscal leur étant parmi les plus avantageux au monde[5] et elles ont également réduit, à l’instar des gouvernements, leur ratio d’endettement depuis le début des années 1990.[6] Malgré cette conjoncture favorable, les entreprises n’ont pas augmenté significativement leurs niveaux d’investissement, qui pourraient pourtant avoir des retombées positives pour la population, ni les salaires des travailleurs et des travailleuses. De leur côté, les institutions financières s’enrichissent impunément sur le dos des individus surendettés grâce aux intérêts, à la mise en marché des dettes de leurs client-e-s et à la spéculation.

Bref, réfléchir au phénomène de l’endettement soulève d’importants questionnements sur la viabilité du système économique dans lequel nous vivons. Le capitalisme repose sur l’idée d’une croissance sans fin, de la possibilité d’accumuler des profits sans limite. L’endettement est au cœur même de ce système, car il assure le maintien de la croissance économique en permettant aux gens de ne pas ralentir leur rythme de consommation. Mais comment accepter encore longtemps que l’endettement des classes moyennes et pauvres s’alourdisse alors que les revenus des plus riches s’accroissent, que les gouvernements mettent la hache dans les  services publics et que les grandes entreprises, financières ou non, engrangent des profits colossaux? La capacité des ménages à s’endetter atteindra-t-elle bientôt sa limite? Les individus accepteront-ils encore longtemps de voir leur parcours de vie être tracé à l’avance par leur obligation à rembourser leurs dettes?

Les mesures d’austérité au Québec:

En 2010, Raymond Bachand, le ministre des finances, avait qualifié son budget de « révolution culturelle ». Si l’expression semblait exagérée, elle rendait bien compte de la volonté du gouvernement de s’engager de plein pied sur la voie du néolibéralisme, à l’instar de nombreux autres États à travers le monde. Ainsi, en 2010, les Québécois-e-s ont eu droit à un budget véritablement austère, marqué par des réductions massives des dépenses de l’État et une tarification accrue des services publics :

* Une taxe santé est instaurée. Elle atteint à présent 200$ par année par adulte et s’applique à tout le monde, à partir d’un revenu individuel de 14 895$ et de 30 345$ pour un couple ayant plus d’un enfant. Le gouvernement a aussi tenté de mettre en place un « ticket » santé. Supposé entrer en vigueur en 2013, la contestation populaire aura eu raison de lui en septembre 2010.

* Une nouvelle hausse des frais de scolarité universitaires est annoncée pour 2012. Celle-ci est subséquente à celle de 50$ par session déjà amorcée en 2007.

* On impose des augmentations de la TVQ de 1% chacune en 2011 et en 2012.

* Une élévation des tarifs d’hydro-électricité de 3,7 % par an qui débuterait en 2014 et qui se poursuivrait jusqu’en 2018 est également annoncée. Au terme de cette hausse, les coûts en électricité auront bondi de près de 20% par rapport à aujourd’hui.

Au final, le budget de 2010 prévoit une augmentation de 4,3G$ des impôts, taxes et tarifs des particuliers et des entreprises, ces dernières n’assumant que 0,8G$ de ce montant. Le gouvernement s’est félicité d’avoir contribué à 60% à l’effort budgétaire en réduisant ses dépenses de 6,9G $. Toutefois, quand on réalise que c’est le bien public que gère le gouvernement, on s’imagine mal comment de telles compressions peuvent subvenir sans que la qualité et l’accessibilité aux services publics ne soient affectées. En 2011, le plan budgétaire, en plus de toujours aller de l’avant avec les éléments régressifs de l’année précédente, comprend de nouvelles mesures qui ont de quoi heurter la population :

* Le montant de la hausse des frais de scolarité est annoncé : 325$ par année pendant cinq ans à compter de 2012, pour porter le coût des études universitaires à 3793$ par année en 2017, et ce, sans compter les frais institutionnels obligatoires.

* Les cotisations au régime des rentes sont haussées. Aussi, les personnes qui prendront leur retraite avant 60 ans seront pénalisées à compter de 2014.

* Le gouvernement décide de reporter sa promesse de créer 15 000 nouvelles places en garderie.

* On commence à évoquer le Plan Nord. On met notamment en place un fond de 1,6G$ pour les cinq prochaines années dédié au financement[7] d’infrastructures qui, rappelons-le, bénéficieront essentiellement aux compagnies privées…

En 2012, le budget, bien que moins flamboyant que les précédents, garde le cap sur ce fameux concept « d’équilibre budgétaire » que nous martèlent les dirigeant-e-s :

* Malgré l’envenimement de la crise sociale, rien n’est prévu pour les étudiants et les étudiantes. Au terme des négociations, qui ont toutes échouées, le gouvernement n’a proposé qu’une maigre bonification de l’Aide Financière aux Études tirée à même une réduction des crédits d’impôt, l’imposition du remboursement proportionnel au revenu, ouvrant la porte à un endettement étudiant sans limite et l’étalement de la hausse des frais de scolarité sur sept ans suivant l’indexation au coût de la vie.

* Le Plan Nord est sous les feux de la rampe. C’est la nouvelle vache à lait de Québec. Il représente des milliards de dollars d’investissement et la création de plusieurs structures bureaucratiques (comme Ressources Québec, la Société du Plan Nord, le Fonds du Plan Nord, le fonds Capital mines et hydrocarbures, etc.). Le gouvernement se montre même enclin à soutenir des projets aux coûts faramineux qui ne profiteront qu’aux entreprises (prolongement de la route 167, construction d’une ligne électrique pour la Stornoway Diamond Coporation, etc.).

Nous sommes bien en droit de nous demander à qui cet « équilibre budgétaire » profite.  Tout en retirant à la population des acquis sociaux qu’ils et elles avaient acquis par des luttes de longues haleines, l’état se désengage et redonne sans gêne avantages et subventions de tout genre à de grandes entreprises richissimes.

Et puis, le gouvernement fédéral est loin de nous laisser en reste avec sa loi C-38. Celle-ci, en plus de contenir une réforme dramatique de l’assurance-emploi et de prévoir des compressions importantes dans les budgets des différents ministères, cherche à écraser toute forme de contestation en coupant les vivres à divers groupes sociaux ou environnementaux et aux programmes scientifiques fédéraux susceptibles de mettre des bâtons dans les roues des politiques d’exploitation des ressources naturelles de Harper.

Tant au niveau provincial que fédéral, les mesures budgétaires austères et inéquitables ont de quoi susciter l’indignation!


[1]  LESAFFAIRES.COM. Le taux d’endettement des Canadiens à un sommet de 153%. En ligne. http://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/le-taux-d-endettement-des-canadiens-a-un-sommet-de-153/538809. Page consultée le 29 mai 2012.

[2] Posca, Julia et Simon Tremblay-Pépin. « À qui profite l’endettement des ménages? ». Note socio-économique de l’IRIS, mars 2011, p.3.

[3] Ibid., p.2.

[4] Pour le Canada, voir : Statistique Canada. Tableau 69 : Indicateurs financiers, administrations publiques. En ligne. http://www.statcan.gc.ca/pub/13-022-x/2011004/t/tab69-fra.htm. Page consultée le 29 mai 2012.

[5] Posca, Julia et Simon Tremblay-Pépin. p.6.

[6] ibid., p.6.

[7] http://www.radio-canada.ca/nouvelles/budget/qc2010/les_faits_saillants/

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