Montréal 31 mars 2011
Le soleil était plus rougeoyant qu’à l’habitude à l’aube du 31 mars alors qu’un immense carré rouge a été posé au sommet de la croix du Mont-Royal. Rappelons que cette action symbolique a un précédent : le 30 mars 2005, pareil emblème avait été hissé sur la croix afin de s’opposer symboliquement aux coupures draconiennes dans le régime d’aide financière aux études. Ceux et celles qui se rappellent des protestations de 2005 comprennent le message : s’il faut aller jusqu’à la grève générale pour empêcher les hausses de frais de scolarité, la population étudiante est prête.
Au cours de la journée, plus de 50 000 étudiants et étudiantes de cégeps et d’universités d’un peu partout au Québec ont décidé de ne pas se présenter en classe. Réagissant aux hausses des frais de scolarité qui leur seront imposées à partir de 2012, plus de 4 000 d’entre eux et elles ont arpenté les rues du centre-ville de Montréal en ce 31 mars 2011. Leur revendication était clairement énoncée : rayer la hausse de 1 625$ par année des factures universitaires.
Une manifestation bruyante
Le tout a débuté vers 12h30 alors que des autobus en provenance de diverses régions du Québec convergeaient vers le Centre de Commerce Mondial, d’où allait partir la manifestation. Vers 14h00, la foule s’est mise en marche et a défilé entre les importants édifices du centre-ville de Montréal. C’est sous une pluie de slogans tels que « Charest, salaud, le peuple aura ta peau » ou encore « On veut étudier, on n’veut pas s’endetter » que les milliers de manifestantes et manifestants ont déambulé dans les rues. La manifestation s’est conclue devant le bureau du premier ministre Jean Charest, afin que la grogne populaire puisse parvenir à ses oreilles.
Occupation des bureaux de la CRÉPUQ
Alors que la manifestation était toujours en marche, plusieurs dizaines d’étudiants et d’étudiantes ont pris d’assaut l’édifice de Loto-Québec où se situent les bureaux de la CRÉPUQ, la Conférence des recteurs et des principaux universitaires du Québec. Les manifestantes et manifestants y ont tenu un siège pacifique durant près d’une heure.
Interrogé sur le choix de cette cible, un participant à l’action affirme que « les positions de la CRÉPUQ concernant l’éducation prouve leur indifférence face aux étudiants et étudiantes. Non seulement s’est-elle positionnée pour une hausse de 500$ par année échelonnée sur trois ans, mais aussi préconise-t-elle une différenciation des coûts par programme d’étude. Elle aura été une des grandes inspirations du gouvernement. » À son tour, Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’ASSÉ, complète : « On voulait leur rappeler qu’ils sont supposés nous représenter. À la place, ils dilapident l’argent des universités en se payant des condos, des bonis, des salaires ou en lançant des projets immobiliers mégalomanes qui finissent une fois sur deux par un échec ».
Les occupantes et occupants du bureau ont pris la décision consensuelle de quitter les lieux avant même qu’un avis d’éviction soit émis, le tout afin de prévenir la répression policière aux entrées de l’édifice. Un peu plus bas, une quinzaine de policiers et de policières muni-e-s d’équipement anti-émeute avaient déjà eu recours à l’utilisation de poivre de Cayenne afin de disperser la foule attroupée devant l’édifice.
Offensive policière
Dès que tous et toutes eurent quitté les locaux dans le calme, le corps d’anti-émeute a chargé la foule et fait explosées des bombes fumigènes. Les projectiles ont non seulement semé la panique parmi la foule, mais ont également fait quelques victimes, dont Pier-Luc Junet, un étudiant en scénarisation à l’UQAM qui a reçu une particule de la bombe sur la tempe, déclenchant une hémorragie. Face à cette offensive, les manifestantes et manifestants se sont dispersé-e-s, ce qui mit fin à la manifestation.
À la fin de la journée, cinq personnes avaient été arrêtées, dont quatre ont par la suite été relâchées, contravention en main. L’ASSÉ considère que la violence utilisée par le service de police de la Ville de Montréal (SPVM) était injustifiée et intolérable. Des dizaines de personnes qui manifestaient pacifiquement ont été blessées, qu’il s’agisse de bousculades agressives ou encore d’émanations de poivre de Cayenne.
À l’aube du vrai combat
Comme l’affirme fermement Gabriel Nadeau-Dubois : « La manifestation d’aujourd’hui est avant tout la mise au jeu d’un match à finir entre le mouvement étudiant et le gouvernement libéral de Jean Charest. » Des actions spontanées éclatent un peu partout au Québec, peu de journées ne passent sans que soient dénoncées les hausses dans les médias, signe de l’effervescence qui prend place parmi la population étudiante.
Avant de voter pour une journée de grève afin de libérer les étudiants et étudiantes et d’ainsi leur permettre de manifester, d’importantes discussions ont pris place dans les assemblées générales des associations étudiantes. Faudra-t-il dépasser les grèves d’une journée ainsi que les manifestations afin de se faire entendre ? Après tout, la Ministre de l’éducation Lyne Beauchamp n’a-t-elle pas affirmé, en réponse à cette journée, que « les manifestations étudiantes ne feront pas fléchir le gouvernement sur la hausse des frais de scolarité » ? La rumeur d’un important mouvement de grève générale illimitée se fait de plus en plus bruyante. La population étudiante n’est pas prête à laisser passer une nouvelle hausse.